La production de l'œuvre - Éléments de contexte

Lorsque La Princesse de Babylone paraît le 15 mars 1768, sans indication d'origine ni nom d'auteur, le lecteur découvre un conte orientalisant plein d'aventures, de dynamisme et d'humour. Cette œuvre enlevée n'est cependant pas le fruit d'un jeune auteur fougueux, mais celle d'un vieillard de soixante-deux ans, passé par tous les genres littéraires et qui a trouvé dans le conte philosophique, auquel il s'adonne avec un succès public et critique certain depuis une vingtaine d'années, un véhicule de combat idéal pour diffuser ses idées auprès du plus grand nombre. 

La Princesse de Babylone est le dernier des « grands » contes philosophiques écrits par Voltaire, après Zadig ou la Destinée (1748), Micromégas (1752), Candide ou l'Optimisme (1759) et L'Ingénu (1767). On retrouve dans La Princesse un certain nombre de caractéristiques propres aux histoires précédentes : le cadre oriental, la poursuite amoureuse et évidemment un panorama critique de l'époque de l'écriture. 

Dans la dernière phrase de l'ouvrage, l'auteur indique avoir donné « cette petite histoire » à  son « libraire » pour « ses étrennes », sans que l'on puisse déterminer s'il s'agit là d'une plaisanterie ou d'un fait authentique, la pratique étant courante à l'époque.

Le conte a été composé au cours de l'année 1767 ; en effet, un certain nombre d'éléments évoqués dans le conte renvoient à des événements ayant eu lieu durant cette année. On pourra mentionner notamment ceux-ci :

– La « fille d'affaire » de l'Opéra, qui seule parvient à détourner Amazan de sa constance amoureuse, renvoie à une certaine Mademoiselle Dubois, actrice de la Comédie-Française qui avait joué dans plusieurs pièces de Voltaire et venait de rompre avec un dramaturge nommé Dorat, adversaire de Voltaire, qui avait dépensé des sommes considérables pour sa maîtresse. 

– L'invasion de la Pologne par la Russie évoquée lors du passage en Cimmérie ; afin de justifier les luttes armées de sa correspondante Catherine II, impératrice de Russie, Voltaire argue qu'elle agit pour la tolérance et qu'elle « a fait marcher des armées pour apporter la paix ».

– Dans sa correspondance, Frédéric de Prusse lui soumet l'idée de la nocivité des couvents et le projet qu'il forme de les détruire, idée reprise dans le passage en Germanie. 

– On retrouve ces élans flatteurs dans les extraits de La Princesse de Babylone évoquant très positivement les rois de Pologne (le roi de l'anarchie des Sarmates), de Danemark et de Suède (les souverains de Scandinavie). Or, au-delà de l'enthousiasme sincère que ces différents souverains, plus ou moins réceptifs à l'esprit des Lumières, provoquaient chez Voltaire, les deux premiers avaient donné de l'argent aux Sirven, un couple de protestants accusés d'infanticide et que Voltaire avait défendus.  

Ces différents exemples montrent combien le conte philosophique voltairien mêle à la fantaisie la plus débridée des commentaires constants sur l'actualité de son pays, faisant de ces récits autant de petites chroniques de leur temps. 

Si La Princesse de Babylone n'a pas connu un succès aussi important que Candide ou L'Ingénu, il saura tout de même trouver son public et connaîtra cinq éditions successives au cours de l'année 1768.

Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
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